LA CITÉ SANS NOM : critique de Pierre Stolze parue dans la revue Galaxies n°49 octobre 2017
Cet ouvrage a obtenu le prix 2017 de la SEALB
Société des écrivains d'Alsace Lorraine et du territoire de Belfort
reproduite avec l’autorisation de l’auteur.
Ce court roman jeunesse se situe à égale distance d’un
Cantique pour Leibowtz (Walter Miller 1960) et de Fahrenheit 451 (Ray Bradbury
1953). Double et redoutable parrainage. Le lecteur adulte aura très vite fait
de deviner quelle est précisément la Cité sans nom du titre : Paris, bien
sûr. Car le décor est bien celui de notre capitale, mais de notre capitale
vidée de presque tous ses habitants suite à un Grand Cataclysme (p78) dont on
ne saura rien, à une obscure catastrophe qui a sans doute détruit ou fait fuir
dans l’espace la majorité de la population. À la surface de Paris végète une
maigre populace, vivant de ses récoltes et de ses troupeaux. (la place de la
Concorde a été transformée en un champ immense). Voici le jeune berger Ordrec
qui, après avoir fait paître ses chèvres le jour, vient se réfugier la nuit
dans le Village au Bord du Fleuve, village protégé par des remparts de pavés.
Car le nuit, de dessous la Cité sortent les Méthros (au nom transparent) , des
Hommes Noirs qui vivent de rapines et enlèvent les jeunes paysans imprudents.
Quant aux livres, appelés désormais les « bouques », on ne sait à
quoi ils pouvaient servir, car plus personne n’en sait déchiffrer un traître
mot. les feuilles imprimées servent désormais à se chauffer ou à calfeutrer les
cabanes. Ordrec sera, comme on s’y attendait, enlevé par les Hommes Noirs,
s’évadera, rencontrera l’Homme Errant qui est parvenu jusqu’à la mythique Île
Verte (l’Irlande bien sûr) où des moines, priant l’Encloué, conservent les
livres qu’ils tentent de déchiffrer, et il défendra courageusement son Village
contre une attaque en règle des Hommes Noirs, jusqu’à l’arrivée d’un éléphant
libérateur.
Heureusement que Paris est enfin nommé dans les toutes dernières pages. Car il n’est pas sûr qu’un
jeune lecteur saisisse toutes les allusions : celle à Montmartre (la
Colline du Nord), à l’obélisque de la Concorde (la Haute Pierre dressée), à
l’Arc de Triomphe (la voûte du Grand Arc), à Notre Dame (La Halle aux pigeons),
au musée du Louvre (le Palais du Bord de l’Eau), où se trouve une géante sans
tête aux deux ailes de pierre (la Victoire de Samothrace), et une Belle Dame
protégée par une épaisse plaque de verre (la Joconde). Le roman va vite,
parfois trop vite : j’aurais aimé des plages de répit, un peu contemplatives,
et que la psychologie des principaux protagonistes fût un peu plus fouillée.
Mais je suis un lecteur blanchi sous le harnais, même si toujours sensible aux
romans qui prônent ce que les Nippons appellent le nekketsu (
dépassement de soi), moteur de presque tout ce qui s’adresse à la jeunesse.
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