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Extrait de ma nouvelle   

LE DERNIER RÊVE DE NAPOLÉON

publiée dans le recueil  d'uchronies
 ET SI NAPOLÉON...
2021

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LE DERNIER RÊVE DE NAPOLÉON (extrait)

Lorsque j'arrivai à Paris, après le siège de Toulon, on me proposa de remplacer Hanriot à la tête de la Garde nationale. Je refusai vigoureusement. Pas question de me mettre à la tête des septembriseurs, cette sans-culotterie porteuse de piques ! J'obtins alors le commandement de la place militaire de Paris et m'installai dans cette caserne de la plaine des Sablons aux portes de la capitale, où l'on venait d'instituer en prairial l'École de Mars, destinée à former les futurs cadres de l'armée.

Le 9 thermidor de l'an II on me rapporte que, la veille, Robespierre a affronté une opposition houleuse à la Convention…Vers minuit, alors que je m'apprête à me coucher, mon ordonnance frappe à ma porte pour m'annoncer que deux cavaliers demandent d'urgence à me voir. Quand il me communique leurs noms, je m'habille en hâte pour les recevoir. C'est le frère de Maximilien, Augustin, accompagné d'Hanriot.

— On est dans la merde, citoyen général, c'est pour ça qu'on a galopé jusqu'ici.

— Napoléon, il faut que tu interviennes, il en va du salut de la République !

— Et la légalité ?

         On s'en fout, il faut forcer la main de mon frère, sinon on se retrouve tous après demain sur la planche à bascule.

Je fais battre la générale et rassemble mes hommes dans la cour. Je les connais tous, certains depuis Brienne. Gassendi, Muiron, Junot, Duroc. Ils étaient avec moi à Valence, d'autres à Toulon.

Les trains d'artillerie roulent sur les pavés, couvrant le carillon des cloches. Arrivé devant l'hôtel de ville, je dispose face à la place de grève, huit pièces de quatre et trois de douze que je charge à mitraille. Une heure après, les sections rebelles arrivent en chantant la carmagnole.

— S'ils veulent danser au son du canon, je vais leur battre la mesure... Feu !

Cent ou cent cinquante assaillants restent sur le pavé, les autres s'enfuient comme une volée de merles .

Dans l'hôtel de ville, je suis accueilli par des acclamations. « Vive le général thermidor ! » Un surnom dont je ne parviendrai à me défaire qu'après les guerres d'Italie. Je pénètre dans la salle du conseil où je reconnais Couthon sur son fauteuil d'infirme et Lebas que j'avais rencontré chez Augustin. Ce dernier me mène jusqu'à son frère qui est en train d'écrire. Je n'avais jamais rencontré Maximilien. Sans se lever, il se retourne, enlève ses besicles et s'adresse à moi: « Je vous félicite, citoyen général, vous avez sauvé la République.», tout cela du bout des lèvres, d'un ton froid et impersonnel. Le jabot correctement noué, la chevelure poudrée et la veste de nankin, rien ne trahit chez lui les séquelles de cette nuit agitée, contrairement à la tenue débraillée de ses compagnons. J'ai le temps de voir ce qu'il écrit, c'est l'ordre d'arrestation des comploteurs.

La suite on la connaît. La Convention après l'élimination des brissotins, des dantonistes, des hébertistes, et enfin des thermidoriens, sautillait comme un canard sans tête. Sa dissolution et l'élection d'un Sénat formé de notables et de révolutionnaires assagis marqua la fin de la Terreur, d'autant que la menace d'invasion avait disparu après la victoire de Fleurus en messidor.

« Le gouvernement de la République est confié à un Consul. Cette magistrature est attribuée à Maximilien Robespierre pour un mandat de cinq ans.»

Ainsi mon frère, élu président de cette assemblée, par cette proposition adoptée à l'unanimité moins trois voix, mit fin à la Révolution. Les consuls à Rome étaient deux, nommés pour un an. Ici le rôle du second était tenu par Lucien, auquel vint s'ajouter le renégat boiteux pour former ce triumvirat qui, depuis lors, gouverne la France.

Le soleil de cette journée va bientôt se coucher. Avec les échos des combats , on a jeté à mes pieds quarante-cinq drapeaux pris à l'ennemi. À lui seul, un grenadier de la Garde m'en a rapporté trois. En les voyant, je comprends que je viens de vaincre les armées des deux plus grands empires d'Occident ! Je rentre sous ma tente pour me pencher à nouveau sur la carte du champ de bataille.

Une violente douleur le courbe en deux, la tumeur vient d'éclater. Son coeur s'arrête de battre, mais juste avant que ses yeux ne se referment, il a le temps de lire un nom sur la carte : AUSTERLITZ.

Les obsèques du Général-Gouverneur Bonaparte se sont déroulées dans la cathédrale d'Ajaccio le 22 floréal XXIX en présence des fonctionnaires du gouvernorat. Son secrétaire, Louis de Bourrienne, prononça son éloge. Le cardinal Fesch, oncle maternel du défunt célébra l'office funèbre. On notait dans l'assistance, sa mère, née Letitzia Ramolino. Aucun autre membre de la famille n'était présent.

( avis paru dans Le Moniteur du 2 prairial an XXIX)

 

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